samedi 22 septembre 2007

LES FATIGUES DU PRETRE. HOMELIE DE MGR MONSENGWO EN 2004


HOMELIE

Chers frères prêtres,

Tous les ans, la messe chrismale constitue pour nous une occasion privilégiée, d’une part, de rendre grâce à Dieu pour le don incomparable du sacerdoce et, d’autre part, de jeter un regard vrai et transparent sur le tonus spirituelle de notre vie et de notre ministère de prêtres : prêtres de l’Alliance nouvelle, signes et témoins de la fidélité constante de Dieu pour son peuple.
Par la même occasion, nous avons l’habitude de méditer l’une ou l’autre dimension de notre sacerdoce, afin de prendre la mesure des défis à relever et du chemin à parcourir ensemble avec notre peuple et à son service, dans sa quête de perfection, de sainteté et d’amour de Dieu.
Aujourd’hui, chers amis prêtres, je vous propose de méditer sur les« fatigues du prêtre ». Jésus a connu la fatigue (cf.Jn 4,6), les Apôtres aussi l’ont expérimentée (Jn 5,5). Il n’est pas rare, en effet, que dans sa vie et son ministère, le prêtre doive faire face à la fatigue. Nous le savons, car de l’une ou l’autre manière, chacun l’a expérimenté d’autant que la crise que traverse notre pays depuis sept ans n’est pas de soi porteuse d’épanouissement. Cette fatigue peut revêtir plusieurs formes.

Il est des fatigues purement physiques, dues à un surcroît de travail, au stress, au surmenage, provenant parfois d’une mauvaise maîtrise de la tâche, de notre part ou de la part des autres. On finit par ne plus savoir par quel bout prendre les choses. Ce genre de fatigues rappelle la situation évoquée par l’Evangile en ces termes : « Il y avait tellement de monde qui venait et repartait qu’ils (les apôtres et Jésus) n’avaient pas même le temps de manger » (MC 6,13). A peine faut-il s’arrêter sur cet exemple, tellement il fait partie de notre expérience quotidienne. La situation s’aggrave si d’aventure nous négligeons l’examen de prévoyance et l’examen de conscience.

Le seigneur Jésus lui-même nous fournit le remède en de telles circonstances : « Vous autres, dit-il aux Apôtres, venez à l’écart dans un lieu désert et reposez-vous un peu » (Mc 6,31) Se ménager judicieusement un temps de repos avec une rupture des activités habituelles, cela fait partie de la gestion de nos fatigues. Notre Mère l’Eglise le sait, qui dans sa discipline a prévu pour le prêtre le repos physique et les vacances, sans préjudice aucun du droit des fidèles à recevoir l’assistance spirituelle de leurs prêtres (Can. 533&2-3).

Mais la plupart des fatigues du prêtre sont d’un autre ordre : elles sont de nature spirituelle et inhérente à sa mission spécifique. Comme les Apôtres, le prêtre est souvent confronté à des insuccès pastoraux ; lorsqu’il a l’impression de butter contre un mur, de prêcher dans les désert, de travailler en vain, de ne pas réussir dans ses projets pastoraux, sans trop savoir comment remédier à cette situation, lui qui ne demande pas mieux que de travailler. Il se sent comme le "figuier stérile " (Mc 11,12-14), alors qu’autour de lui d’autres confrères accomplissent des prouesses et sont épanouis. A l’instar des Apôtres ; il doit parfois confesser : « Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre » (Lc 5,5).

Spontanément, le prêtre essaie alors d’imiter maladroitement ces autres confrères sans trop y réussir. Il se sent déphasé et malheureux, hors-jeu et hors circuit, fonctionnant dans un monde qui tourne sans lui alors qu’il en est une partie intégrante. Le risque est grand dans ce cas de laisser tomber les bras.

Réduit à une telle extrémité, le prêtre doit se rappeler que son succès et sa fécondité ne sont d’abord ni extérieures ni quantifiables : la parole de Dieu – si tant que c’est elle qu’il prêche – porte toujours des fruits et rate jamais sa mission, soit le salut des hommes (cf.Is 55,10-11). Le prêtre doit surtout se rappeler que c’est le Seigneur qui l’envoie et lui dit : « Avance en eau profonde et jete les filets pour attraper du poisson » (Lc 5,4). Il doit prendre surtout conscience du fait qu’il n’est pas seul : ni dans les insuccès ni dans les réussites. Il lui faut aussi, à l’exemple des Apôtres, faire appel aux autres camarades afin qu’ils lui viennent en aide (cf.Lc 5,7).
Faute de quoi, cette fatigue peut le conduire à une autre plus pernicieuse et vicieuse : la critique destructrice, la jalousie et l’envie, le manque de discernement. A force de voir réussir les autres confrères ou s’attachant aux aspects accidentels de la vie sacerdotale, le prêtre sera porté à l’envie et à la jalousie. Perdant l’esprit du discernement et confondant l’échelle des valeurs, il cédera à a tentation de se livrer, comme Judas Iscariote, à des critiques déloyales à l’endroit des confrères qui font du bien (cf. Jn 12, 4-7), au lieu de suivre les paroles de l’Apôtre Paul : « Réjouissez-vous avec ceux qui sont dans la joie » (Rm 12, 15-16).

De là à se laisser à la mollesse et à l’oisiveté, il n y a que un pas qui est vite franchi. Or oisiveté et sacerdoce ne peuvent faire bon ménage. Car, un prêtre mou et oisif laisse percevoir en lui une perte de son idéal. Pour lui vaut cette parole d l’Ecriture : « Va vers la fourmi, paresseux ; considère sa conduite et apprends sa sagesse. Elle n’a pas de surveillant ni de contremaître ni de patron ; en été elle assure sa provende, pendant la moisson elle amasse sa nourriture » (Prov. 6,6-8). En effet, pourrait-on raisonnablement se livrer à la paresse ou bien à la recherche de ses aises, lorsqu’on considère l’immensité des besoins du peuple de Dieu ou bien la soif des personnes désireuses de connaître Jésus Christ et de recevoir le salut de Dieu ?... (cf.Mt 9, 36).
Aussi toutes ces fatigues (critiques oiseuses, envie et jalousie, mollesse et paresse) peuvent-elles être des signes avant coureurs ou déjà le symptôme d’une profonde crise, d’une fatigue sacerdotale beaucoup plus grande, à savoir : la perte du sens du prêtre. On oublie pour qui et pourquoi on est prêtre, si tant qu’on ne l’ait jamais clairement su !...On cède à la dissipation, on abandonne la vie d’oraison, on se trouve vite démuni d’une ascèse élémentaire à toute vie de prêtre, on finit par être dispersé et sans consistance : on tourne en rond, petit à petit on cesse de croire à son sacerdoce.

Alors survient l’extrême fatigue : la volonté de tendre vers la perfection s’émousse, le sens du péché s’effrite, la pratique sacramentelle comme ministre et comme bénéficiaire diminue, l’accoutumance à la médiocrité, aux faiblesses voire au péché devient un état de vie… On perd toute crédibilité. On sombre dans le découragement, ou bien dans un formalisme et une hypocrisie d’autant plus pénibles qu’on en est conscient.
On perd la joie d’être prêtre….

Comment remédier à la fatigue sacerdotale, sinon d’abord en prenant le contre pied des attitudes signalées ci-avant ? Ensuite le Seigneur Jésus lui-même nous apprend à ne pas absolutiser nos temps de « vacances », mais à les allier avec l’apostolat et le service du prochain. L’entretien de Jésus avec la femme samaritaine est un exemple de ce que peut produire le repos allié au zèle apostolique, à savoir : la conversion de tout un peuple et sa foi au Christ (cf.Jn 4,6b-42). En tout et partout le prêtre doit, en effet, garder le sens et le zèle du pasteur.

Jésus Christ nous apprend qu’au terme d’une journée ou d’une période d’apostolat, le meilleur moyen de nous défaire de nos soucis et inquiétudes, c’est de confier autant les succès que les échecs au Père qui nous envoie et à qui appartient la mission. C’est de notre communion à son plan de salut (cf. Mc 14,36.44) que sortiront les importantes décisions, les options et solutions pastorales les plus heureuses (cf.Mc 1,35-38 ; 6,46). « Rejette ton fardeau, mets-le sur le Seigneur : il te réconfortera », dit l’Ecriture (Ps 55[54], 23). La prière existentielle est la source intarissable de nos énergies et de notre force.

Elle consiste dans notre participation consciente et volontaire au plan de salut de Dieu
Mais une telle prière, enracinée dans le ministère et l’apostolat, suppose la foi au Christ ; la foi à notre mission, la foi à notre identité sacerdotale. Fort de ce même esprit de foi dont il est écrit : « J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé » (2 Cor 4, 13). Car « c’est au nom du Christ que nous sommes en ambassade » (2 Cor 5,20). La perte de la foi en cette identité est la source principale de la plupart des fatigues spirituelles du prêtre. Puisse le Seigneur nous en préserver…

Chers frères prêtres,

Quelles que soient ses fatigues, physiques ou spirituelles ou communautaires, le prêtre se souviendra toujours de ces paroles du Christ : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous donnerai le repos. Prenez sur vous mon joug (…). Oui, mon joug est facile à porter et mon fardeau léger » (Mt 11, 28-30). Cette invitation, qui suit la révélation faite aux tout-petits plutôt qu’aux sages et aux intelligents (ibid., 25-26), pourrait sans doute nous aider à comprendre pourquoi notre joug serait devenu si lourd et s’il est encore le joug du Seigneur. Peut-être en avons-nous rajouté un autre étranger à celui du Christ. L’examen, en toute vérité, de la situation nous libérera (cf.Jn 8,32)…

Chers frères et sœurs,

Confions au Seigneur la vie et le ministère de nos prêtres.
« Tu veux, Seigneur que ton peuple tout entier au sacerdoce de ton Fils ; et tu confies à certains de ses membres la charge de le sanctifier, de le conduire et de l’enseigner au nom du Christ ; accorde à ceux-là, dont tu as fait prêtre, la grâce à leur mission : que par leur ministère et toute leur vie ils aident les hommes et servent ta gloire. Par Jésus, le Christ, notre Seigneur » - Amen (Collecte de la Messe pour les prêtres)

+ L. MONSENGWO PASINYA
Archevêque de Kisangani
08.4.2004

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