OUVERTURE DU CENTENAIRE DE BOKORO
Bokoro, le 19 septembre 2010
ALLOCUTION DE MGR L. MONSENGWO PASINYA
Chers frères et sœurs,
- En 1910, voici un siècle, l’infatigable Père Jules Denis fondait la mission de Bokoro santa Nkulusi, après avoir fondé avec le P. Emile Geens, la mission d’Inongo en 1907. Bokoro devenait ainsi, dans le vicariat apostolique de Léopoldville, la deuxième mission du lac Léopold II. Bokoro sera le centre de rayonnement d’où sera évangélisée toute la région Sakata-Badia. C’est à Bokoro que, avant la fondation de Makaw (1934), seront organisés le catéchuménat, l’alphabétisation des adultes (« ndao tse tse ngo ») et l’école pour les enfants. Le « prestige » de Bokoro augmentera lorsqu’en 1936, le petit séminaire saint Louis de Gonzague sera transféré d’Inongo aux bords de la Lukenie. La formation intellectuelle et spirituelle qu’on dispensait dans cette institution forçait l’admiration de la population.
- Des missionnaires célèbres par leur zèle, leur intelligence et leur souci de connaitre la culture Sakata pour mieux l’évangéliser, sont passés par Bokoro. Citons parmi les supérieurs de mission : les pères Jules Denis, Jules De Boeck, Nestor Van Everbroeck, Paul Rouard, Michel Lecluyse et les itinérants et directeurs d’école : Félix Scalais, Philippe De Witte, Karel Van Herck, Jean Van Cauwelaert, Edouard Jans, Henri Boisschot, Emile Steels, Etienne Lefèvre, Abbé Basile Mputu, Edouard Delevael.
- En cette ouverture du centenaire, nous nous souvenons avec gratitude de ces maîtres dans la foi, qui nous ont annoncés la parole de Dieu. Nous voulons considérer comment leur vie s’est terminée, nous voulons imiter leur foi (He 13, 7). Cette foi, pour laquelle ils ont quitté leurs pays, leurs parents et famille, pour fonder une famille ouverte à tous, parce qu’elle est catholique. Cette foi, transmettez-la fidèlement, sans syncrétisme, ni mélange malsain d’éléments chrétiens et fétichistes. « Jésus Christ est le même, hier et aujourd’hui, il sera pour l’éternité » (He 13, 8). Il en est de même de la foi reçue de lui par les apôtres (la tradition apostolique).
- Il est fort significatif que la mission de Bokoro fut appelée « Santa Nkulisi » (Sainte Croix). Ainsi donc en venant annoncer l’Evangile en pays Sakata, les missionnaires ont voulu y planter la Croix du Christ. Comme Saint Paul, ils venaient « prêcher un Messie crucifié » (1 Cor 1, 23), le Christ, Sauveur de tous les hommes. En plantant la croix à Bokoro, la crois baignée du sang du Christ, Fils de Dieu, le P. Jules Denis concluait un pacte de sang entre le Christ et le peuple sakata. Par ce pacte, les Basakata comme leurs frères Ntomba trois ans plutôt, devenaient à jamais propriété et héritage du Christ. Ils devenaient « race élue, communauté sacerdotale du roi, nation sainte, peuple que Dieu s’est acquis pour proclamer les hauts faits de Celui qui les appelés des ténèbres à sa merveilleuse lumière » (1Pi 1, 9).
Adieu désormais aux œuvres sataniques et fétichistes de toutes sortes, pour vivre une vie de liberté dont le Christ nous a libérés (Gal 5, 1) : une vie selon l’Esprit. - Cette conduite « selon l’esprit », nous en avons quelques traits dans la première lecture tirée du prophète Amos (8, 4-7). En général, l’enseignement de ce prophète est clair : une société et un pays sans justice ne méritent pas de vivre. Aussi, aux riches qui veulent anéantir le pauvre et écraser les humbles en vendant leur blé et en écoulant leur froment avec des mesures et balances faussées, des prix iniques, ou bien qui veulent acheter le malheureux et le pauvre à vil prix, le Seigneur déclare qu’il n’oubliera pas leurs méfaits. Notre Dieu est un Dieu qui tient à établir la justice entre ses créatures. Le chrétien pareillement, est un artisan de justice et de paix (cfr Mt 5, 6.9).
- Dans la directive que Paul donne de prier par des prières de demande, d’intercession, d’action de grâce pour tous les hommes, pour les chefs d’Etat et tous ceux qui ont des responsabilités (1Tm 2,1-2), l’Apôtre nous donne indirectement le devoir primordial des autorités et des responsables dans la société : créer des conditions de vie calme, de sécurité, qui permettent aux habitants de vivre en homme religieux et sérieux. Sécurité, paix, liberté religieuse, voilà ce que les autorités doivent assurer aux citoyens de leur pays.
- L’Evangile (Lc 16, 1-6) nous montre un intendant malhonnête qui, par la corruption et la malhonnêteté, vole son maître pour se faire des amis, qui l’aideront en temps de détresse. Loin de louer la malhonnêteté de cet homme, Jésus nous dit que nous ne pouvons pas servir à la fois Dieu et l’argent (Lc 16, 13). Il conseille plutôt à ses disciples d’être aussi habiles dans le service du royaume que les fils des ténèbres et les filous de ce monde dans leurs affaires malhonnêtes. Pareillement, si les fils de notre pays mettaient leur intelligence et leur habileté au service du bien comme ils le font au service du mal, il ne fait pas de doute que le pays irait nettement mieux.
Chers frères et sœurs,
- Au moment où s’ouvre ce centenaire de la paroisse de Bokoro, cependant que nous rendons grâce à Dieu pour l’œuvre des pionniers et de tous les catéchistes qui ont semé la parole de Dieu à Bokoro et en terre Sakata, renouvelons notre engagement prophétique et missionnaire, pour la propagation de la foi, la croissance de l’Eglise en ce lieu. Puisse la Vierge Marie, à qui a été consacré le diocèse d’Inongo, nous accompagner, nous soutenir, et nous assurer de la victoire, elle qui a écrasé la tête du serpent antique et des ses suppôts (Gn3, 15) lesquels sous des formes subtiles, plongent le peuple dans les ténèbres et l’ignorance.
- Que la bénédiction du Dieu tout-puissant descende sur Bokoro et y demeure à jamais. Amen.
+ L. MONSENGWO PASINYA
Archevêque de Kinshasa