«
N’agissons pas comme des mercenaires, … »
Appel pressant à mes chers diocésains
et diocésaines,
Aux hommes et aux femmes de bonne
volonté,
Dans votre vie,
mettez l’amour au-dessus de tout ; Et que la Paix du Ressuscité règne dans
vos cœurs (cf. Col 3, 14-15) !
1. Il y a quelques années, nous avons
accueilli avec joie la décision de la décentralisation des Provinces par le
pouvoir central de la République Démocratique du Congo. Cette décision
constitue, en fait, une véritable opportunité de décollage pour la Province de
Mai-Ndombe, aux regards de ses innombrables ressources humaines, agricoles,
aquatiques, halieutiques et géologiques.
2. Avec une bonne gestion de toutes
ces potentialités, on se serait attendu à l’amélioration des conditions de vie
de la population. Mais, hélas !, nous sommes étonnés que devant les enjeux
et défis majeurs actuels de développement, la classe politique provinciale
choisisse de s’adonner aux querelles et débats stériles, alors même que la
situation socio-économique de la population ne fait que se dégrader au jour le
jour.
3. Nous en voulons pour
preuves : l’absence de structures de base, de routes, d’entreprises,
d’accès à l’eau potable, d’électricité, d’université ou d’instituts supérieurs
dignes de ce nom. On ne dénombre même pas un seul petit centre de santé
construit par le gouvernement provincial depuis que le Maï-Ndombe a été érigé
en province ! Dans une province
riche en bois, on est scandalisé de voir des élèves assis à même le sol dans de
salles de classes en paille.
4. Qu’on se le dise: le
Mai-Ndombe ne se limite pas à Inongo. Il
faut aller à Kiri, Beronge, Yuki, Ntandembelo, Bongimba, Oshwe, Mushie, Makaw,
Nkaw, Banzow, Semendwa, Sontin, Yumbi, et ailleurs pour toucher du doigt les
vraies réalités de la province. On comprend alors que les politiciens
continuent à nous distraire au lieu de se mobiliser et de nous mobiliser pour
bâtir la province avec les richesses que Dieu nous a données.
5. En effet, sans vision commune, nos
politiciens passent le clair de leur temps à défendre leurs propres intérêts et
ceux de leur parti et parrains ; à se battre pour de poste ; à se
laisser corrompre par des tireurs de ficelles et des pêcheurs en eau trouble
qui prennent toute la province en otage.
Dès lors, l’on est en droit de se demander s’ils ont été réellement élus
pour représenter le peuple.
6. Ces derniers temps,
particulièrement, il s’observe un climat de tension et de division à tous les
échelons et au sein de la population du chef-lieu de la province alimenté par
certains acteurs politiques en quête de positionnement, de popularité ou en mal d’ambition démesurée qui tourne à la
mégalomanie. Cette situation peut, à tout moment, exploser et devenir
incontrôlable : il suffit d’une petite étincelle ! Nous avons pourtant, encore frais dans nos
mémoires, les tristes événements vécus à Yumbi en décembre 2018 qui devraient
nous servir de leçon.
7. Au regard de ce qui précède,
conscient de notre rôle de pasteur, nous tirons la sonnette d’alarme, en
interpelant les filles et fils de Maï-Ndombe, chacun à son niveau de
responsabilité, pour un changement profond dans la manière de vouloir servir ou
de gérer cette province, si telle est la prétendue motivation du discours des
uns et des autres.
8. Nous exhortons la population de
Maï-Ndombe à rester unie et vigilante pour faire face aux velléités de division
et d’embrasement de la Province. « Nous sommes tous frères », comme
dit le Pape François dans son Encyclique Fratelli
tutti. Ne vous laissez pas tromper
par des discours démagogiques et populistes. Formez-vous et informez-vous sur
les vrais enjeux de notre province.
9. Que les acteurs politiques
considèrent les jeunes à leur juste valeur et les aident à contribuer
efficacement à la construction de la province, car ils valent plus que beaucoup
de moineaux (cf. Lc 12, 7) ; on ne peut donc pas les acheter au vil prix
de menus fretins ou d’une bouteille de bière. Nous vous supplions de vous
abstenir de les exciter avec de fausses promesses pour des actions
infructueuses ou destructrices.
10. Que tous travaillent dans la
cohésion, dans la transparence pour l’intérêt de la Province. Sans manipuler et instrumentaliser la
population, recherchez la paix et utilisez la voix de la sagesse pour résoudre
des éventuelles dissensions. Que les uns
et les autres visent l’intérêt supérieur de la province, en conscience, dans la
vérité et de manière indépendante, sans se laisser prendre par l’effet
enchanteur des billets de banque (cf. Mt 6, 24; 1 Tim 6, 10). Que les acteurs politiques se rappellent
qu’ils seront jugés sur base de la réalisation d’un programme d’ensemble, et
non sur base de leur obéissance aux diktats de mentors.
11. Que ceux qui sont censés assurer
la sécurité des biens, des personnes et des institutions agissent en toute neutralité
et dans le strict respect de la loi. Que
les médias et ceux qui usent de réseaux sociaux veillent à ne pas distiller la
haine fratricide entre les filles et les fils de la province. Une bonne déontologie et un choix responsable
sont des moyens efficaces pour ne transmettre que des messages de paix, de
réconciliation, de l’amour du travail, seule voie pour un vrai développement de
la province qui est déjà à la traîne dans plusieurs domaines.
12. Nous en appelons à un audit
urgent et sans complaisance de la gestion des ressources locales et autres
fonds alloués à la province par les instances habilitées, en l’occurrence
l’Inspection Générale de Finance (IGF), pour que le respect des lois et du bien
commun serve à bâtir réellement un état de droit. Il est plus qu’urgent pour les autorités,
aussi bien au niveau national que provincial, d’initier des projets de
développement de la province de Maï-Ndombe pour la sortir de son enclavement et
des ténèbres dans lesquelles elle risque d’être plongée encore longtemps, si
l’on n’y prend pas garde.
13. Que la Paix offerte par le
Ressuscité caractérise notre agir au quotidien et nous anime pour que la
fraternité et l’unité fondent notre appartenance à la même province. Confiants en l’avenir, chassons toute peur, toute
division et bâtissons notre chère Province. N’agissons pas comme des mercenaires, mais
soyons de bons bergers les uns pour les autres, capables de nous sacrifier pour
le bien de nos frères et sœurs (cf. Jn 10, 1-13), en travaillant pour le bien
qui demeure (cf. Jn 6, 27).
14. Puisse la très sainte Vierge
Marie, Reine de la Paix, intercéder pour nous et nous obtienne de son Fils
Jésus, la grâce d’être des artisans de paix et de joie afin de nous reconnaître
tous frères pour la plus grande gloire de Dieu.
En ce jour où nous célébrons saint Joseph, le travailleur, laissons-nous
nous inspirer par son exemple. De bon
cœur, faisons notre travail pour plaire à Dieu et non aux hommes, accomplissons
notre devoir d’état pour le bien de la communauté, et, ainsi nous assurerons un
avenir meilleur aux générations futures.
Que la paix du Seigneur descende sur
chacun de vous, sur vos familles, et sur vous demeure toujours, avec ma
bénédiction apostolique.
Au nom du Père,
et du Fils et du Saint-Esprit. Amen.
Inongo,
le 1er mai 2021
+ Donatien
BAFUIDINSONI, SJ.
Evêque d’Inongo