MESSAGE APRES LE NAUFRAGE D’OSHWE
Mes chers diocésains,
Frères et sœurs,
1. Mon cœur a été transpercé par une douleur incommensurable lorsque j’ai appris le naufrage survenu hier sur la rivière Lukenie, à quelques encablures du port d’Oshwe. Cet avant-midi, on a parlé de 25 morts et de plusieurs disparus. Quel qu’en soit le bilan, nous sommes tous tristes et peinés. Je voudrais ici présenter mes sincères condoléances aux familles éplorées et leur assurer de ma proximité dans la prière. Que le Seigneur, le Maître de la vie, soit leur consolation et que les défunts reposent dans la paix éternelle. En même temps, nous sommes redevables à toutes les personnes qui se sont sacrifiées pour sauver des vies humaines et ont secouru les rescapés, évitant ainsi un drame encore plus lourd.
2. En réfléchissant sur cet événement désolant, je me demande comment et pourquoi ce naufrage, surtout lorsqu’on n’arrive pas à déterminer le nombre de passagers qui avaient pris place à bord de cette baleinière par manque de manifeste ou de liste de passagers. Si tel est le cas, qui doit assumer cette responsabilité ? Nous sommes tous coupables du désordre qui règne dans ce domaine, responsables des risques auxquels certains, par cupidité, exposent nos frères et sœurs, et aussi condamnables de notre approbation fataliste de voyager dans des conditions infrahumaines au péril de nos vies.
3. Si nous étions sérieux et soucieux de la vie de nos frères et sœurs, une enquête devrait être diligentée et les coupables sanctionnés. Mais, comment ? Lorsque nous savons que la justice n’est plus rendue dans la province de Mai-Ndombe depuis plus d’une année. Et pour cause ? Les magistrats, ne se sentant plus en sécurité, conditionnent leur retour par le procès de ceux qui ont agressé le procureur général, ainsi que par l’amélioration de leurs conditions de travail. Là encore, les députés provinciaux, pour des raisons politiciennes et pécuniaires, contrairement à leur serment de défendre les causes justes de la population qu’ils sont censés représenter, s’érigent, sans vergogne, en véritable obstacle à la justice.
4. A la veille des élections, la population est invitée à juger par elle-même, et non par affinités tribales ou par corruption morale, pour élire ceux et celles qui aiment véritablement la province et défendent ses causes ; des députés qui doivent demander des comptes à ceux qui commencent un travail et qui ne l’achèvent pas. J’en veux pour exemple, les travaux commencés par l’OVD dans la ville d’Inongo. On voit des crevasses à plusieurs endroits, sans espoir d’une reprise des travaux. Je ne parle pas des sommes versées dans le domaine de la santé, de l’environnement et autres. Et nos députés se taisent dans toutes les langues. Pourquoi ? Dès lors, n’avons-nous pas le droit de nous demander s’ils ont réellement été élus par la population ?
5. Le naufrage d’Oshwe reflète une situation qui devrait nous préoccuper tous. Il n’y a pas plus de deux semaines, les tensions entre des groupes ethniques ont été signalées à Oshwe. Et pendant ce temps à Kwamouth, l’accalmie ne règne pas encore.
6. En annonçant le thème de l’année pastorale 2022-2023, Tous frères et sœurs pour une église synodale, je disais : « Tous frères et sœurs, parce que ce qui nous unit est plus fort, est plus grand, est plus noble que ce qui nous divise. On est plus fort ensemble que divisé (cf. Mc 3, 24-25 ; Mt 12, 25) ; et nos différences, à l’instar des doigts de la main, sont une richesse. Nos différences ne doivent donc pas être un obstacle pour notre vie comme famille de Dieu. Quand nous commençons à accentuer nos différences, nous nous appauvrissons davantage ; et nous plongeons davantage dans la misère. En effet, l’accentuation de nos différences nous recroqueville sur nous-mêmes, nous enferme dans la peur de l’autre, dans un repli sur nous-mêmes, dans notre enclavement culturel, intellectuel, spirituel, humain, socio-politique et économique. C’est l’union qui favorise le développement ».
7. « En effet, la force d’un peuple réside dans l’acceptation, dans l’accueil et dans sa capacité d’intégrer les différences, les autres différents de soi-même et de tirer profit des richesses qu’ils lui apportent. Acceptation et intégration qui impliquent souvent une remise en question et l’affranchissement des barrières, la brisure des liens, des chaînes de l’esclavage imposées par nos cultures, nos coutumes, nos mentalités, nos interdits, pour nous ouvrir à l’universel, à la vraie liberté, à la vérité tout entière qui rend libre dans le Christ, le vrai libérateur ».
8. Pour terminer, je nous exhorte à un élan de solidarité et à la vraie fraternité afin de venir en aide aux nécessiteux, à Kwamouth, à Oshwe et partout ailleurs où l’on a besoin de nous. Mettons-nous tous au travail et, ensemble, construisons notre province. Une province bien construite sera et fera la fierté de nous tous. Mais, une province où l’on apprend que des tristes et mauvaises nouvelles, comme celle d’Oshwe, de Kwamouth, d’Inongo où l’inexistence de l’appareil judiciaire nous expose tous à l’arbitraire, … cela ne nous honore pas !
9. Mes chers diocésains, frères et sœurs, unissons-nous, luttons contre la corruption qui gangrène jusque notre système éducatif et bâtissons une province où il fera bon vivre, une province dont nous serons tous fiers. Que Dieu, le Père de tous, nous assiste et nous guide de sa lumière. Que Dieu vous bénisse.
Inongo, le 16 Août 2023+ Donatien BAFUIDINSONI, SJ
Evêque d’Inongo