Aux Frères et Sœurs du Diocèse d’Inongo
et aux Personnes
de Bonne Volonté
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« Tu
nous as donné un pays merveilleux et riche, pourquoi alors cette misère qui
nous colle à la peau ? » (Chant de demande de la paix)
Frères
et sœurs bien aimés,
Que le Seigneur Jésus
vous accorde sa paix et vous fasse don de sa fraternité ! Que vous viviez
tous les jours dans la joie de sa compagnie.
Après
une absence de plus de six mois, je viens de rentrer chez nous à Inongo. Je
remercie le Seigneur et chacun (e) de vous pour ma guérison. Je m’empresse de
vous souhaiter une heureuse et féconde nouvelle année 2018.
Chers
frères et sœurs,
Le carême est là :
temps favorable pour revenir au Seigneur à travers une réelle repentance.
Temps favorable pour vivre la justice
sociale à travers le jeûne tel que nous dit le prophète Isaïe (58,6 – 7).
Je vous écris aujourd’hui pour vous
inviter à un engagement spécial pour notre pays, la R.D Congo. Nous traversons,
en ce moment, l’une des crises les plus complexes de notre histoire. Le Seigneur nous y adresse un message de
vie. Ecoutons-Le avec tout notre cœur et mettons en pratique sa parole.
Alors notre pays pourra véritablement
vivre, sortir des ténèbres et
des situations opprimantes qui nous enveloppent. Alors nous cesserons d’une part de prendre cette situation à la légère, comme des gens qui « s’amusent » avec la Vie ; comme des gens qui se complaisent dans
l’oppression de leurs frères et sœurs humains ! Alors nous cesserons
d’autre part de nous lamenter sans cesse
au lieu de nous engager, de briser nos peurs paralysantes et de poser des
actions concrètes et incisives pour un vrai changement dans notre pays.
Frères
et sœurs,
« Notre Dieu nous
a donné un pays merveilleux et riche, Pourquoi alors cette misère qui nous
colle à la peau » ? Cette misère ne vient donc pas de Dieu. Elle
vient en grande partie de nous-mêmes !
Nous souffrons
aujourd’hui parce que nous nous sommes éloignés de Dieu, du Dieu vivant et véritable. Même si
dans notre pays, nous prions beaucoup, nous chantons les louanges de Dieu, nous
prêchons la parole de Dieu et nous l’écoutons, nous devons avouer que pour
plusieurs parmi nous, le reproche du
Prophète Isaïe est de toute vérité : « Ce peuple ne s’approche de moi
qu’en paroles, ses lèvres seules me rendent gloire, mais son cœur est loin de
moi … » (Is 29, 13) On invoque Dieu pour obtenir des bienfaits, on Le supplie pour nous
épargner des maux de la vie, mais ce
Dieu n’est souvent pas, dans la pratique, le véritable Roc de notre vie, le Vivant
sur qui notre existence trouve sa solidité, son sens et sa finalité. En des
moments critiques, l’Argent et les « relations » - pour ne pas
parler des « puissances
occultes » - viennent au
premier plan !…
Nous souffrons
aujourd’hui parce que pour la plupart d’entre nous
la corruption fait désormais partie intégrante de notre vie. Avec l’argent, tu peux tout : tu
peux gagner un procès ; tu peux t’acheter un diplôme ; tu peux gagner
un poste vacant du travail sans avoir réussi au test ! Et que dire du tribalisme ? Les vielles querelles
tribales des temps immémoriaux rebondissent : « tu es de quelle
tribu ? » Quel lien y a-t-il entre toi et moi, toi qui es un
« étranger » ?
Nous souffrons
aujourd’hui parce qu’à tous les niveaux, il y a un mépris du plus faible. Bien sûr nous
nous appelons parfois « frères et sœurs »,
« compatriotes »… Des titres qui résonnent faux, quand en réalité
nous n’accordons pas à l’autre la dignité et le respect que mérite tout être
humain. Une fille rejetée des siens répétait toujours à qui voulait
l’entendre : « ngai mpe nazali moto » (moi aussi je suis un être
humain) !
Nous souffrons
aujourd’hui parce que nous manquons de vérité dans notre propre vie personnelle. Le manque de droiture nous affecte
tous : nos chefs, « les hommes de Dieu », nous-mêmes,
« peuple »… Nous nous cachons parfois sous la peau de « moutons »,
alors qu’au-dedans nous sommes des « léopards » pour les
autres ! Pour plusieurs parmi nous,
mentir ou voler n’est plus un péché, un mal…, sauf si l’on tombe dans le piège !...
Les souffrances des autres (surtout des
plus démunis) ne nous concernent pas. Nous vivons, nous aussi, la fameuse « mondialisation de
l’indifférence » dont parle le Pape François. La sécurité des
personnes et de leurs biens n’est plus une affaire de l’Etat, mais une affaire
de l’individu… Bref, nous quittons de
plus en plus notre style d’héritage africain de vie communautaire pour un
individualisme outré qui nous rend étrangers à notre propre culture si riche en
ce domaine.
Chers
frères et sœurs,
Nous
portons, tous et personnellement, la responsabilité réelle de notre misère
multiforme d’aujourd’hui, chacun (e) selon son appel et sa mission. Notre Dieu
cependant ne nous abandonne jamais : il est présent et agissant au cœur
même de cette situation confuse pour nous aider à nous libérer. « Oui,
éternel est son amour.. » (Ps 135) Oui, « sa miséricorde s’étend
d’âge en âge sur ceux qui le craignent » (Lc 1, 50).
A travers le don de la
terre merveilleuse et riche qu’est notre pays,
la RD Congo, notre Dieu s’est engagé vis-à-vis de nous. C’est
une marque de confiance qu’Il nous fait. Mais à travers le « système de Caïn », certains
parmi nous, les plus malins et les plus violents, se sont emparés des biens
destinés à tous pour réserver à la masse des miettes, au grand dam de la
démocratie. Voilà le péché qui
affecte aujourd’hui, chez nous, le
projet de Dieu et abîme nos
relations de convivance fraternelle et celles
avec toutes les autres créatures.
Frères
et sœurs bien-aimés,
Pour
nous, disciples de Jésus Christ, le
Carême est le moment favorable, le jour du salut (2Cor 6, 2). Le Seigneur nous indique clairement le
chemin à suivre dans notre situation actuelle. C’est le chemin que Lui-même
a suivi tout au long de sa vie jusqu’à sa mort et… sa résurrection.
Durant toute sa vie en
effet, Jésus
s’est engagé à réaliser le projet de
Vie (projet créateur) du Père sur
les humains et sur l’univers : « je suis venu pour que les hommes
aient la vie et qu’ils l’aient en abondance » (Jn 10,10). Au nom du Dieu Vivant
(qui est la Vie et donne la vie), Jésus
a lutté pour promouvoir la vie chez tous les humains et dans la création, mais
de façon prioritaire auprès de ceux dont la vie était amoindrie ou méconnue :
les aveugles, les rejetés de tout genre, les pécheurs ! Même le jour de sabbat, Il continue son
combat pour la Vie contre des maladies, contre tout asservissement (Mc 6,
1- 6). Et sur ce point, Il est intransigeant :
il n’a pas peur, il ne recule pas. Il
a accepté de se laisser arrêter et
entraîner à la mort. Et quelle mort ! La mort de la croix, la mort
réservée aux esclaves et aux grands assassins ! Il l’a fait par amour : amour d’obéissance au Père et amour de donation de Lui-même à nous ses
frères et sœurs humains.
Par amour également -
amour miséricordieux -, Il prie le Père pour ses assassins : « Père,
pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font »
(Lc 23, 34).
Frères
et sœurs bien-aimés,
Jésus-Christ, vainqueur
de la mort nous a communiqué son Souffle de vie
(l’Esprit-Saint) –Jn 20, 22. Que ce même
souffle de vie nous conduise aujourd’hui dans la situation désastreuse que nous
traversons. Qu’Il nous délivre de la peur, de l’endurcissement de cœurs, de la légèreté
de vie, de la paresse et du « système de Caïn »… « Les yeux fixés sur Jésus Christ,
entrons dans le combat de Dieu » (invitatoire/Laudes-Carême). Entrons dans le combat de Dieu afin que
tous et tout soient sauvés, libérés, nous les humains et tout notre environnement !
Alors nous pourrons véritablement
célébrer la Fête de Pâques comme passage de tous les humains et toute la
création de la servitude à la vraie liberté des enfants de Dieu qui trouvent de
nouveaux chemins… (Laudato si’ n°245).
Je
vous souhaite un fécond temps de Carême.
Que Dieu bénisse et ressuscite notre
pays.
Fait à Inongo, le 07/02/2018
+ Philippe NKIERE KENA
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