MESSAGE PASCAL 2012
Aux Frères et Sœurs chrétiens du Diocèse d’Inongo
Premier-né d’entre les morts, le Christ nous a libérés du « système de Caïn »
Le chemin et l’esprit de victoire
Frères et sœurs bien-aimés,
Louange et gloire à notre Seigneur et Frère Premier-né d’entre les morts, Jésus-Christ. Il a vaincu la mort. Il est le Vivant. Présent au milieu de nous, qu’il nous fasse revêtir l’Homme Nouveau (Col 3,10) libéré du « système de Caïn ». Nous
deviendrons alors bâtisseurs d’un vivre- ensemble nouveau : tel est le
chemin et l’esprit de victoire que nous apporte sa Résurrection.
Chers frères et sœurs,
Le « système de Caïn » est sûrement l’une des causes de la ruine de notre société congolaise et même de notre humanité aujourd’hui.
D’après
les Ecritures (Gn 4, 1-16), comme nous le savons, Caïn et Abel sont
deux frères. Malheureusement Caïn, l’aîné, tue son frère Abel, le cadet.
Au lieu d’être le gardien de son frère, il en est devenu l’assassin. Au lieu de trouver en son frère un « autre » lui-même, il en a fait dans son regard narcissique et jaloux un ennemi, une menace. Il élimine son frère mais le sang de ce dernier devient un cri
qui monte du sol vers Dieu. Et Dieu ajoute : « maintenant, sois maudit
et chassé du sol fertile qui a ouvert la bouche pour recevoir de ta
main le sang de ton frère. Si tu cultives le sol, il ne te donnera plus
son produit : tu seras un errant parcourant la terre » (Gn 4,11-12).
Le même Dieu cependant protège Caïn et refuse toute vengeance sur celui-ci :
« Aussi bien, si quelqu’un tue Caïn, on le vengera sept fois. Yahvé
mit un signe sur Caïn, afin que le premier venu ne le frappât point »
(Gn 4, 15)
Frères et sœurs bien-aimés,
Comme Caïn et Abel, nous sommes des frères et sœurs… et à la fois des fratricides. Une véritable contradiction habite nos relations, interpersonnelles et communautaires. Nous vivons en effet dans un monde où souvent « la loi de la jungle », la loi du plus rusé et du violent, fait la loi ! Voilà le « système de Caïn
». Là où dominés par l’argent, imbus du pouvoir, assoiffés de
jouissances, des individus oppriment et écrasent leurs frères et sœurs
humains dans leurs droits les plus élémentaires, voilà le « système de
Caïn ». Là où, des prétendus prophètes et charismatiques, sèment la
haine entre des familles et même font éliminer physiquement des «
sorciers et sorcières, « voilà le « système de Caïn ». Là où l’on
cherche à se venger, et cela de façon souvent exagérée, voilà le « système de Caïn
». Là où les grandes puissances de ce monde volent impunément les
autres pays ou leur imposent des guerres par des ventes d’armes, voilà
le « système de Caïn ».
La nature elle-même subit les conséquences de ce système. Les puissants arrachent leurs terres aux paysans pour en faire leurs terrains de jeux ! Les nombreux refugiés de
notre continent s’arrachent quelques espaces de terre désertique pour
vivre, survivre ! Mais qui prend réellement à cœur toutes ces situations
?
Le système de Caïn nous conduit donc à la « civilisation de l’anti-frère ». L’autre n’est pas avant tout, comme nous l’avons dit, une chance, une bénédiction de Dieu, mais une menace, un ennemi
à abattre ! Voilà le péché de division entre les humains et entre les
peuples…source du manque d’entente, de justice et de paix.
Frères et sœurs bien-aimés,
Jésus a, heureusement inauguré un style différent de « convivence … ». Tout au long de sa vie jusqu’à sa mort, en paroles et en actes, il s’est fait frère des rejetés et initiateur du pardon aux ennemis.
Il s’est frère de pécheurs, à la grande colère des scribes et pharisiens (Mt 9,9-13). Il touche un lépreux (Mc 1,44-45) à la consternation de tous. Il s’est fait proche d’une femme samaritaine
avec qui il s’est mis à converser au grand étonnement de ses disciples.
Une femme et une hérétique, une ennemie du peuple d’Israël ! (Jn 4,
1-27). Jésus s’est fait lui-même un esclave,
lors du lavement des pieds de ses disciples (Jn 13, 1-12). En effet,
seul un esclave non-juif pouvait laver les pieds des hôtes. Jésus meurt enfin, crucifié entre deux grands malfaiteurs ! (Lc 2,33).
Comme on le voit, Jésus a pris décidément et publiquement parti pour les faibles, les exclus et les insignifiants de la société de son temps.
Il n’exclut cependant personne de son amour. Invité à manger chez un Pharisien du nom de Simon, il y est allé (Lc 7, 36-50).
Jésus refuse la haine de l’ennemi. Il prône au contraire l’amour de l’ennemi. Il le dit et il le fait.
« Vous avez entendu qu’il a été dit : tu aimeras ton prochain et tu
haïras ton ennemi. Et bien ! Moi je vous dis : aimez vos ennemis et
priez pour vos persécuteurs, afin de devenir fils de votre Père qui est
aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les
bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes » (Mt 5, 43-45).
Sur la croix, Jésus prie pour ses bourreaux : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc23, 34).
Au cœur même de sa mort, Jésus introduit ainsi la puissance du pardon dans nos relations. Il dit non à la haine, à toute haine. Il se veut, jusqu’au bout, porteur de la miséricorde infinie du Père a tous les hommes.
Il veut rassembler l’assassin et sa victime dans un même amour. Il
brise ainsi la puissance de la division, lui qui « en sa personne a tué
la haine » (Eph.2,16).
Frères et Sœurs,
Ressuscité
d’entre les morts, Jésus-Christ nous communique, à nous ses disciples,
sa puissance d’amour (Jn 20,21-22). Nous devenons alors capables
d’ouvrir un chemin de victoire au cœur des différents maux qui nous
accablent aujourd’hui.
Rivalités,
jalousies, divisions, mépris des plus faibles, vengeances sont à la
porte de la vie de chacun(e), comme « une bête tapie qui nous convoite »
(Gn 4,7) ! Il faut commencer par nous ouvrir nous-mêmes totalement et sans complaisance à Celui qui est le véritable Premier-né.
Il nous fera sortir de nos fausses sécurités et de nos hypocrisies. Sa
Parole et sa présence dans différents sacrements nous façonnent à son
image, si nous l’accueillons vraiment.
Prendre le parti des opprimés, des persécutés, des plus démunis et autres souffrants est une obligation évangélique. C’est un engagement collectif, comme nous le faisons lors de nos deuils chez nous.
Enfin, à la suite du Seigneur, nous refusons toute vengeance. Injures, « pillages » font du fracas, mais ne résolvent rien. Cherchons avec obstination la vérité et la justice dans la transparence et le pardon offert. Un ennemi reste un frère
à aimer : fils du Père, lié à nous dans le même sang d’alliance du
Premier-né. Personne ne peut réaliser ceci par ses propres forces. Il nous faut prier, et prier aussi ensemble pour demander la force d’aimer du Seigneur.
Frères et sœurs,
Pâques c’est la fête de la Résurrection : la résurrection du Seigneur et notre résurrection à nous ses disciples. Si nous nous engageons, en ressuscités, à vivre et pratiquer le message annoncé dans cette lettre,
nous aurons ouvert un chemin de victoire contre les maux dont souffre
notre peuple aujourd’hui. Que le soleil de l’Amour illumine toute notre
humanité (Mt 5, 43-45) pour une « civilisation de l’Amour » (Paul VI).
Joyeuses fêtes pascales. Que la Vierge Marie, Mère du Sauveur, intercède pour nous auprès de son Fils Ressuscité.
Que Dieu notre Père fasse de nous une bénédiction
pour tous nos frères et sœurs humains avec qui nous vivons et
travaillons. Qu’il nous bénisse au nom de Jésus-Christ, le Premier-né
d’entre les morts.
En lui, Fraternellement
+ Philippe NKIERE KENA . Evêque d’Inongo
Inongo, ce samedi Saint 7 Avril 2012
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