jeudi 3 décembre 2009

Inongo en pleurs : trop, c'est trop.


Mémorandum de l’Evêque d’Inongo et de son Clergé diocésain aux gouvernants de la RD Congo, à la CENCO, aux assemblées nationale et provinciale, au Gouverneur de la Province de Bandundu, aux ONG et sociétés civiles, aux hommes de bonne volonté.
La guerre avec les pertes en vies humaines ne sévit pas seulement à l’Est de la RD Congo. A Inongo, dans la province de Bandundu, district de Mai Ndombe, nous faisons aussi face à un ennemi de taille, à savoir, le lac Mai Ndombe, ex lac Léopold II, avec lequel il n’y a aucune négociation à envisager. En effet, à maintes reprises ce lac a tué plus d’une personne faute de moyens de transport adéquat.
La question que nous nous posons est celle de savoir où serait le gouvernement avec son « Office National de Transport » (ONATRA) ?
Tenez :
· En 1983, une embarcation en bois, ramenant à Inongo à la rentrée scolaire des élèves, enseignants et voyageurs, a coulé à la traversée Bekai-Bokebeni avec des centaines de morts parmi lesquels un chef d’établissement.

· Dix ans après, une autre embarcation en bois H/B Mokili Makalamba a encore fait naufrage avec aussi une centaine de morts.


· Le 25 novembre 2003, encore une autre embarcation en bois (H/B Dieu-Merci) communément appelé « Nzondo » a coulé au large de Kesenge faisant des centaines de morts. Toute la communauté tant nationale qu’internationale a été mobilisée promettant de résoudre à l’immédiat cette insécurité fluviale dans la libre circulation des biens et des personnes. Où en est-on aujourd’hui ? Le bateau promis a mystérieusement disparu !

· Six ans après, jour pour jour, le mercredi 25 novembre vers 20h00’, un bateau Sodefor qui poussait deux barges remplies de grumes a fait naufrage causant la mort d’au moins une centaine de personnes. Des hommes, des femmes et des enfants voyagent dans des conditions inhumaines, certains juchés sur des grumes dans un bateau de transport du bois et non des personnes humaines ! Certains corps retrouvés ont été enterrés à Inongo, d’autres en divers endroits le long du lac et d’autres enfin sont encore sous eau coincés sous les barges ou les grumes. Heureusement, il y a aussi des rescapés (217 recensés).

Alors qu’en 2003, l’assistance s’est fait sentir, cette fois-ci au contraire, l’intervention sporadique et en ordre dispersé, la lenteur dans la prise de décisions ont donné l’impression à la population d’être abandonnée à son triste sort. La Croix-Rouge a travaillé avec les moyens de bord, insignifiants. Les corps ont été enterrés avec des nattes, et certains cadavres sont restés sous la pluie. On peut deviner aisément les maladies ou éventuelles épidémies qui en seront les conséquences.
Face à cette réalité, nous nous rendons compte de la misère noire et de la précarité sans précédent dans lesquels vit notre population. Tous ces morts ne suffisent-ils pas ? « Trop, c’est trop ».
A qui finalement profitent les richesses du Mai Ndombe ? Alors que des centaines de tonnes de bois sont exportées chaque semaine de notre district vers des destinations « inconnues », nos morts sont enterrés avec des nattes, nos enfants manquent de bancs et de tableaux, nos habitats sont sans porte ni fenêtre en bois.
Il est clair que les moyens de transport fluvial faisant cruellement défaut, les gens tentent de s’organiser comme ils peuvent. Si l’on ajoute à tout cela des tracasseries de tout genre au niveau de la « Police Fluviale », alors oui, « trop, c’est trop ».
Au regard de tout ce qui précède, nous, Evêque et Prêtres du Clergé d’Inongo dénonçons avec la dernière énergie :
1. L’indifférence des nos gouvernants face à la misère de notre population du lac. Ainsi, « nous invitons la population à bien réfléchir sur les candidatures de ceux qui se cachent derrière les représentations des partis politiques ; car ceux-ci peuvent avoir un bon programme mais leurs candidats peuvent ne pas être à mesure de répondre aux attentes de la population » (Filles et fils de Bandundu, rassemblons nous et construisons notre Province, message des évêques de l’ASSERBAND n. 17)
2. La récupération politique de ces faits tragiques qui ont plongé le Mai Ndombe en général et la cité d’Inongo en particulier dans le deuil.

A notre peuple, nous adressons nos sincères remerciements pour la bravoure et la solidarité dont il a fait montre dans toutes les circonstances dramatiques qui ont sévi dans le Mai Ndombe.

A toutes les familles en deuil, nous présentons nos sincères condoléances et l’assurance de nos prières.
Aux ressortissants de Mai Ndombe éparpillés dans le pays et dans le monde, nous demandons « de bien vouloir penser à la terre qui les a accueillis dans la vie et où ils ont appris à être hommes » (Message des Evêques de l’Asserband, n°34)

A l’occasion de cette énième catastrophe survenue au lac, nous demandons aux décideurs de notre pays de « restituer » le bateau promis en 2003.

A toutes les personnes de bonne volonté, nous demandons de bien vouloir nous aider à nous doter d’un bateau digne de ce nom sous la responsabilité de notre diocèse qui s’engage à bien le gérer pour le bien de toute notre population.

Au nom du clergé d’Inongo :

1. S. Exc. Mgr Philippe NKIERE KENA, Evêque d’Inongo
2. Mgr Jean BOLENGO
3. Abbé Joseph BELEPE
4. Abbé Floribert IKAMOTON
5. Abbé Jean Paul ISAY
6. Abbé Jean IYOMPOLE
7. Abbé Pascal LEMENE
8. Abbé Henri Godé MBAW-MBAW
9. Abbé Frédéric MBO MOLOKANTONI
10. Abbé Robert MBUMBE
11. Abbé André MPUTU NGOMBE
12. Abbé Patrick NDWAYA
13. Abbé Peter WELO

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