HOMELIE D’ORDINATION DIACONALE ET SACERDOTALE
Lectures : Ez 34, 11-12.15-17 ; 1 Co 15, 20-26.28 ; Mt 25, 31-46
Mes chers diocésains,
Chers Ordinands,
Paix soit avec vous !
1. L’Eglise célèbre aujourd’hui la solennité de Jésus Christ, Roi de l’Univers. Il est bon de contempler ce mystère de notre Seigneur qui se présente à nous comme Roi de tout l’univers, comme roi de toute chose. La deuxième lecture de ce jour, tirée de la première épitre aux Corinthiens, nous éclaire sur ce mystère. Ce texte affirme clairement la royauté du Christ reçue de Dieu le Père. Mais je voudrais surtout attirer notre attention sur ce qui conduit à cette royauté : la traversée de la mort du Christ pour la résurrection. C’est parce qu’il a traversé la mort, et, ainsi, l’a domptée que le Christ peut être celui par qui tout être vivant peut vaincre la mort et trouver la vie.
2. Il est donc important de souligner le fait que la royauté du Christ se réalise à travers sa mort, à travers la croix. En ce sens, ce pouvoir royal, la royauté du Christ, n’est pas un pouvoir qui écrase, mais plutôt qui donne la vie à travers le don de sa propre vie. C’est un pouvoir de service.
3. C’est bien à cela que nous mène la première lecture de cette solennité qui fait allusion à ce roi comme un pasteur. C’est un pasteur qui s’occupe lui-même de ses brebis, qui veille sur elles et qui s’engage à les délivrer. Il prend lui-même soin de ses brebis, en se dépensant pour elles.
4. Il est très consolant, pour chacun de nous, d’entendre ces paroles. Elles sont adressées à chacun de nous personnellement : lorsque nous fêtons la royauté du Christ, nous fêtons celui qui a versé son sang pour nous ; et qui s’engage à veiller sur nous chaque jour, comme un pasteur veille sur ses brebis… Paroles de réconfort et d’espérance lorsque nous traversons les moments difficiles dans la vie. Quoi qu’il arrive, nous savons que notre vie est entre les mains du Seigneur, c’est lui le Roi de nos vies et de toute chose ; il veille sur nous et nous conduit.
5. Le Christ a été établi roi par (pour) son obéissance au Père ; il s’est offert une fois pour toutes pour nous libérer de la mort éternelle et du péché ; il nous affranchit de toute peur et de tout péché. Il veut être notre pasteur pour nous conduire près d’herbes fraiches, …
6. Mais la question principale est celle de savoir si nous acceptons que le Christ soit véritablement notre Roi. Je sais que nous dirons tous : « oui, nous le voulons ! ». Mais, il ne suffit pas de proclamer cela de la bouche ; il s’agit de le laisser régner vraiment dans nos vies, y établir son règne de paix et d’amour.
7. Pour cela, l’Evangile de ce jour nous dit ce qu’il nous faut faire pour être de son Royaume : s’occuper de nos frères et en prendre soin. « Amen, je vous le dis, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ».
Mes chers Ordinands,
8. La providence a voulu que vos ordinations tombent le jour de la solennité du Christ-Roi de l’univers. Prenez cela comme un signe du ciel et comme un message à intégrer dans votre manière d’être diacres et d’être prêtres. Acceptez, de tout votre cœur, que le Christ soit vraiment le Roi de votre vie, choisissez de vivre constamment sous son étendard, sous son règne. Laissez-vous guider par lui, comme ses brebis, et vous trouverez consolation et paix dans votre vie diaconale et sacerdotale.
9. Cela est particulièrement important pour vous, car en ce jour, vous serez associés, de manière spéciale, à cette royauté du Christ : par ce sacrement, vous serez configurés comme pasteurs de ses brebis. Vous conduirez les brebis en son nom, « in persona Christi ». Je vous inviterai donc à relire attentivement la première lecture de ce jour et de la prendre comme la mesure de votre manière d’être pasteurs de son peuple.
10. Par l’ordination, vous recevez un pouvoir de la part de Dieu, c’est vrai. Mais c’est le pouvoir de service et de sacrifice pour son peuple, comme nous le rappelle la deuxième lecture de ce jour. Vous serez vraiment dignes du titre du Prêtre-Roi, si vous vivez dans les mêmes dispositions que celle du Christ, obéissant à Dieu jusqu’à la mort, sans jamais rien se réserver à soi-même. C’est là la vérité de ce sacrement que vous recevrez aujourd’hui ; c’est là la vérité du diaconat en vue du sacerdoce, c’est là la vérité du sacerdoce qui vous associent de manière spéciale au pouvoir du Christ.
11. Au cours de votre retraite, vous avez réfléchi et médité, les uns sur « Me voici, Seigneur, envoie-moi », les autres sur « Prêtres, porteurs de la Bonne Nouvelle ». Sans doute qu’on vous a également rappelé le rôle du diacre et du prêtre dans l’Eglise, et les significations profondes des paroles et des gestes qui seront prononcés et faits sur vous, ainsi que des engagements qui découlent de ces sacrements. Que vous soyez ordonnés diacres et prêtres aujourd’hui, est le signe, le témoignage que l’Eglise vous fait confiance et confie à vos soins son peuple pour qu’avec votre aide, vous les édifiez et les aidiez à rencontrer le Seigneur à travers sa parole et les sacrements. C’est une grande responsabilité. Alors, conformez votre vie à ce que vous allez prêcher et faire pour ne pas le décevoir.
12.
Au cœur ou au fondement
de votre choix de vous faire ordonner diacres et prêtres aujourd’hui, il y a
l’appel de Celui que saint Ignace de Loyola appelle dans ses Exercices
Spirituels « le Roi Eternel », opposé au Roi Temporel. Le Roi Eternel, comme vous pouvez le deviner,
c’est le Christ, le Roi de l’Univers que nous célébrons aujourd’hui. En effet,
vous avez entendu un jour son appel : « viens, suis-moi ;
« quitte ton père, ta mère, ta famille, renonce à toi-même, prends ta
croix chaque jour et suis-moi ».
Pour répondre à l’appel du Roi Eternel et le suivre, il y a des attitudes
qu’il faut avoir, qu’il faut acquérir.
Sinon, cela ne servira à rien.
J’évoquerais par exemple la disponibilité à l’écoute, l’attention, le
fait d’être attentif à (se) taire et à faire des choix face à plusieurs appels
ou voix qui sollicitent votre cœur. Ici,
je voudrais parler du discernement, la capacité à distinguer ce qui vient de
l’Esprit Saint de ce qui vient de l’esprit du monde. Il est question de faire le silence en
soi-même, de voir ce qui répond et correspond au choix le meilleur que je voudrais
faire en conformité aux exigences du Roi Eternel, de Jésus Christ.
13. La deuxième attitude, c’est le renoncement aux choses et aux personnes qui, très souvent et malheureusement, deviennent des obstacles à notre choix de suivre Jésus Christ ; des choses, des personnes, des comportements, des sollicitations qui nous détournent de notre idéal originaire, de notre élan du départ. Dans le contexte qui est le nôtre, je mentionnerais particulièrement la recherche effrénée de l’argent et tout ce qui s’ensuit. A ce sujet, nous oublions facilement l’enseignement de Jésus qui, dans sa sagesse, nous a mis en garde : « Nul ne peut servir deux maîtres. Car, ou il haïra l’un, et aimera l’autre ; ou il s’attachera à l’un, et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon » (Mt 6, 24). Jésus avait bien compris que personne ne peut servir deux maîtres à la fois, que l’argent est un bon serviteur, mais un mauvais maître … La suite du texte de Matthieu est encore plus riche d’enseignements. Dans le même sens, nous oublions facilement l’avertissement de saint Paul à son fils spirituel Timothée lorsqu’il lui dit : « mais ceux qui veulent s’enrichir tombent dans la tentation, dans le piège, et dans beaucoup de désirs insensés et pernicieux qui plongent les hommes dans la ruine et la perdition. Car l’amour de l’argent est une racine de tous les maux ; et quelques-uns, en étant possédés, se sont égarés loin de la foi, et se sont jetés eux-mêmes dans bien des tourments. Pour toi, homme de Dieu, fuis ces choses, et recherche la justice, la piété, la foi, la charité, la patience, la douceur (1 Tim 6, 9-11). N’enviez pas les richesses périssables ou les riches de chez nous. D’ailleurs, vous savez mieux que moi que la plupart de riches de chez nous ont acquis ou acquièrent leur richesse par des moyens malhonnêtes, qu’ils sont, comme dirait Jésus, des intendants malhonnêtes. Si vous voulez être heureux, soyez riches en service, en charité et en humanité, et Dieu pourvoira à vos besoins. Si vous voulez être heureux, suivez l’exemple du Christ, Roi de l’Univers, Roi éternel, qui s’est fait humble et s’est identifié aux pauvres, malades et aux prisonniers.
14. Le Roi Eternel vous appelle et vous envoie. Son appel s’accompagne d’une mission. Il appelle pour vous confier la mission d’aller où lui-même devait aller (cf. Lc 10, 1). Si lui-même devait aller à Berongo, à Nkaw ou ailleurs, c’est pour faire du bien. C’est la raison pour laquelle vous recevez aujourd’hui la force de l’Esprit Saint par l’imposition des mains, pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres, aux captifs, aux aveugles, aux prisonniers, aux opprimés, aux accablés ou affligés (cf. Lc 4, 18-19), proclamer la Bonne Nouvelle, une Bonne Nouvelle de libération, pour guérir ceux qui ont le cœur brisé, pas pour devenir des commerçants ou des hommes d’affaires ou que sais-je encore. A propos de la Bonne Nouvelle, c’est celle qui donne vie, qui redonne l’espérance au peuple de Dieu. Retenez que je ne vous ordonne pas pour que demain vous deveniez des exorcistes sans mandat épiscopal, ce n’est pas pour que vous vous transformiez en « gourous », c’est-à-dire ceux qui font croire aux gens que sans eux, il n’y a point de salut, qui enferment les gens dans des croyances rétrogrades, des traditions spiritualistes propres à des illuminés … qui rendent les gens esclaves … au lieu de leur proposer le vrai salut en Jésus Christ, le libérateur. Je ne vous ordonne pas pour que vous deveniez des gourous qui enferment les gens dans des enclos où l’on impose aux pauvres et aux petits des attitudes, des comportements propres aux zombies, dépourvues de tout esprit critique, de liberté intérieure. Que votre parole ne dise que la parole de Dieu, une parole qui libère son peuple.
15. Désormais configuré au Christ serviteur, vous êtes diacre pour être « le gardien du service dans l’Eglise : le service de la Parole, le service de l’Autel, le service des pauvres » (cf. Pape François, 25 mars 2017). Diacre, soyez miséricordieux, zélés et marchez selon la vérité du Seigneur qui s’est fait le serviteur de tous (cf. Lumen Gentium, n. 29), en gardant et en développant un esprit de prière en union avec le peuple de Dieu et en intercédant pour le monde entier.
16. Vous les prêtres, sans oublier que votre ministère est en tout et pour tout un service, vous êtes configurés au Christ pour vous offrir vous-mêmes à Dieu pour la sanctification de son peuple. Chaque jour, célébrez avec foi les mystères du Christ, tout spécialement dans le sacrifice eucharistique et le sacrement de réconciliation, selon la tradition de l’Eglise. Ce mystère vous appelle à la fidélité au quotidien pour vivre avec le peuple de Dieu la mort et la résurrection du Christ qui s’est sacrifié lui-même pour le salut du monde et pour la plus grande gloire de Dieu.
17. Le peuple de Dieu ne se réduit pas à votre famille, à vos frères et sœurs, à votre clan ou ethnie. Vous êtes ordonnés diacres, vous êtes ordonnés prêtres pour vous ouvrir aux dimensions du monde, de la charité du Christ qui se met au service de tous, sans distinction de race, langue, peuple et nation. Vous êtes diacres pour servir comme le Christ, frère de tous et qui fait de nous tous ses frères et héritiers du même Père, Dieu qui est tout en tous. Vous êtes prêtres et vous faites partie d’un presbyterium où la fraternité, la communion, le soutien mutuel, dans le respect les uns des autres, doivent vous ouvrir à l’Eglise Universelle. Si j’avais encore un conseil à vous donner, je dirais simplement : « priez, priez, priez. Que votre joie soit pour toujours. Ne faites pas honte au peuple de Dieu et ne soyez pas la cause de scandale pour sa foi ».
18. Que la Vierge Marie, notre Mère et Mère des prêtres, intercède pour vous et pour nous tous, et nous obtienne les grâces dont nous avons besoin pour continuer à plaire à son Fils, serviteur de tous et grand prêtre, et à accomplir sa volonté aujourd’hui, demain et pour les siècles des siècles. Amen.
Mgr Donat Bafuidinsoni, SJ, homélie donnée à l’occasion de l’ordination diaconale de Jonas IPEKE, Hermann Mako, Tristan MoNsembula, Teddy Muanza, François NGUNA ; et de l’ordination sacerdotale de Narcisse BIONGO, Rodrigue EBENGO, Trésor FINZO, Hugues MANGI, Gervais MPETI, Hugues NKONONI, Yannick NYAMAZOMI, Henri-Génial BOLAMPETI, cicm, en la solennité du Christ, Roi de l’Univers, le 22 novembre 2020, en l’Eglise cathédrale Saint Albert, Le Grand (Inongo).
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