Nous publions, ci-dessous,
l'homélie que le Pape François a prononcée aujourd’hui
le 17 Février, après la proclamation du Saint Evangile. Le texte orignal est en italien.
Nous commençons le cheminement du Carême. Il s'ouvre par les paroles du prophète Joël, qui indiquent la
direction à suivre. C'est une invitation qui nait du cœur de Dieu qui, avec les
bras ouverts et les yeux pleins de nostalgie, nous supplie: «Revenez à moi de tout votre cœur» (Jn
2,12). Revenez à moi. Le Carême est un voyage de retour à Dieu. Combien de fois, affairés ou indifférent, lui avons-nous dit: "Seigneur, je viendrai à Toi
plus tard, attends ... ". Aujourd’hui, je ne peux pas mais demain je commencerai à prier et à faire quelques choses pour les autres. Et ainsi un jour après l'autre. Maintenant,
Dieu fait appel à notre cœur. Dans la vie, nous aurons toujours des choses à
faire et nous aurons des excuses à présenter, mais, frères et sœurs,
aujourd'hui c'est le moment de revenir à Dieu.
Revenez à moi,
dit-il, de tout votre cœur. Le
Carême est un voyage qui implique toute notre vie, tout notre être. C'est le temps pour vérifier les chemins que nous sommes entrain de parcourir pour retrouver la voie qui nous ramène à la maison, pour redécouvrir le lien fondamental avec Dieu de qui dépend toute chose. Le Carême n'est
pas une collection de bonnes actions, c'est discerner où est orienté notre cœur. C'est cela le centre du Carême: vers où est orienté mon cœur? Essayons de nous demander: où me
conduit le navigateur de ma vie, vers Dieu ou vers mon moi? Est-ce que je vis
pour plaire au Seigneur ou pour être remarqué, loué, préféré, à la première place et ainsi
de suite? Ai-je un cœur "qui danse", qui fait un pas en avant et un pas en
arrière, qui aime un peu le Seigneur un peu le monde ou un cœur ferme en Dieu? Je me complais dans mon hypocrisie, ou est-ce que je lutte pour libérer mon
cœur des duplicités et des mensonges ou faussetés qui l'enchainent?
Le voyage du
Carême est un exode, c'est un exode
de l'esclavage vers la liberté. Ce sont quarante jours qui rappellent les
quarante années pendant lesquelles le peuple de Dieu a voyagé dans le désert pour
retourner dans sa patrie. Mais comme il a été difficile de quitter l'Égypte! Il a été plus difficile de quitter l'Égypte de cœur du peuple de Dieu, cette
Égypte qu'ils portaient toujours en eux, que de quitter la terre
d'Égypte ... Il est très difficile de laisser l'Égypte. Durant la marche, il y
avait toujours la tentation de regretter les oignons, de revenir en arrière, de
se lier aux souvenirs du passé, à quelque idole. Il en est ainsi pour nous aussi:
le voyage de retour à Dieu est entravé par nos attachements malsains, il est
retenu par les liens séduisants des vices, par les fausses sécurités de l'argent
et des apparences, par la lamentation de se croire toujours victime, qui paralyse. Pour se mettre en marche,
ces illusions doivent être démasquées.
Mais demandons-nous: comment alors procéder dans le cheminement vers Dieu? Les voyages de retour écoutés dans la Parole de Dieu, nous viennent en aide.
Tournons-nous vers le fils prodigue et nous comprenons qu'il est temps aussi pour
nous de revenir ver le Père. Comme ce fils, nous avons nous aussi oublié le parfum de la
maison, nous avons dilapidé des biens précieux pour de choses de moindre valeur et nous
nous retrouvons mains vides et le cœur mécontent. Nous sommes tombés: nous
sommes des enfants qui tombent continuellement, nous sommes comme de petits
enfants qui essayent de marcher mais qui vont au sol, et ils ont besoin d'être relevés à chaque fois par papa. C'est le pardon du Père qui nous remet
toujours debout: le pardon de Dieu, la confession, est le premier pas de
notre voyage retour. J'ai dit la confession, et je le recommande aux confesseurs : soyez comme le
père, pas avec le fouet, mais avec l'accolade.
Ensuite, nous devons revenir à Jésus, faire comme ce lépreux guéri qui est revenu pour le remercier. Dix d'entre eux avaient été guéris, mais lui seul était aussi sauvé, parce qu'il était revenu vers Jésus (cf. Lc 17, 12-19). Nous tous, nous avons des maladies spirituelles, nous ne pouvons pas les guérir tout seuls; nous avons tous des vices profondément enracinés, seuls nous ne pouvons pas les éradiquer; nous avons tous des peurs qui nous paralysent, nous ne pouvons pas les vaincre tout seuls. Nous devons imiter ce lépreux qui est revenu vers Jésus et s'est jeté à ses pieds. Nous avons besoin de la guérison de Jésus, nous devons mettre nos blessures devant lui et lui dire: «Jésus, je suis ici devant Toi, avec mon péché, avec mes misères. Tu es le médecin, tu peux me libérer. Guéris ma lèpre. "
Frères et sœurs,
notre voyage de retour à Dieu n'est possible que parce qu'il y a eu son voyage vers nous. Sinon, cela n'aurait pas été possible. Avant que nous
allions à lui, il est descendu vers nous. Il nous a précédés, il est venu à
notre rencontre. Pour nous, il est descendu plus bas que nous ne pouvions
l'imaginer: Il s’est fait péché, il s'est fait mort. C'est ce que nous rappelle saint Paul: " Celui qui n'a point connu le péché, il l'a fait devenir péché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu." (2Co 5, 21). Pour ne pas nous laisser
seuls et nous accompagner dans notre marche, il est descendu dans notre péché et dans notre mort. Notre voyage est donc
de se laisser prendre par la main. Le Père qui nous appelle à revenir est Celui
qui sort de la maison pour venir nous chercher; le Seigneur qui nous guérit est
celui qui s'est laissé blesser en croix; l'Esprit qui nous fait changer de
vie est Celui qui souffle avec force et douceur sur notre poussière.
Voici la supplication de l'Apôtre: "Laissez-vous Réconcilier avec Dieu" (v. 20).
Laissez-vous réconcilier: cette marche ou cet itinéraire ne repose pas sur notre force; personne ne
peut être réconcilié avec Dieu avec sa propre force, il ne le peut pas. La
conversion du cœur, avec les gestes et les pratiques qui l'expriment, n'est
possible que si elle part de la primauté de l'action de Dieu. Ce ne sont pas
nos capacités et nos mérites à exhiber qui nous font revenir à Lui mais sa grâce à accueillir . La grâce nous sauve, le salut est pure grâce, pure
gratuité. Jésus nous l'a dit clairement dans l'Évangile: ce qui nous rend
justes, ce n'est pas la justice que nous pratiquons devant les hommes, mais la
relation sincère avec le Père. Le début du retour à Dieu est de reconnaître
que nous avons besoin de LUI, que nous avons besoin de sa miséricorde et de sa
grâce. Voici la voie juste, la voie de l'humilité. Est-ce que je sens que j'ai besoin d ou est-ce que je me sens autosuffisant?
Aujourd'hui, nous baissons la tête pour recevoir les cendres. A la fin du Carême, nous nous abaisserons encore plus pour laver les pieds des frères. Le Carême est une descente humble au dedans de nous-mêmes et vers les autres. C'est comprendre que le salut n'est pas une ascension vers la gloire, mais un abaissement par amour. C'est nous faire petits. Sur ce chemin, pour ne pas nous perdre, mettons-nous devant la croix de Jésus: c'est la cathèdre silencieuse de Dieu. Regardons chaque jour ses plaies, les plaies qu'il a portées au ciel et qu'il fait voir au Père, tous les jours dans sa prière d'intercession. Dans ces ouvertures, reconnaissons notre vide, nos défauts, les blessures du péché, les coups qui nous ont blessés. Pourtant, là, nous voyons que Dieu ne nous pointe pas du doigt, mais nous ouvre les mains. Ses plaies sont ouvertes pour nous et nous avons été guéris par ces blessures (cf. 1 Pt 2,25; Is 53,5)
Embrassons-les
et nous comprendrons que là, dans les vides de la vie les plus douloureux, Dieu
nous attend avec son infinie miséricorde. Parce que là où nous sommes les plus
vulnérables, où nous avons le plus honte, Il est venu à notre rencontre. Et
maintenant qu'il est venu à notre rencontre, il nous invite à revenir à lui, pour retrouver la joie d'être aimé.
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