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Extrait de
l’homélie à la messe du 4 janvier, fête des martyrs de l’indépendance (*)
Très chers
frères et sœurs dans le Christ,
5. Du 4 janvier
1959 au 4 janvier 2018, l’année prochaine il fera 60 ans que le sang de
Congolais continue de couler pour l’indépendance, la liberté, le droit, la
justice, la dignité. Mais si en 1959, la veille de notre indépendance, le sang
de nos compatriotes avait été versé sur l’ordre du pouvoir colonial,
aujourd’hui ce sont nos propres frères qui ne ferment pas les yeux et bloquent
les cœurs pour tuer, massacrer, violer ce qu’ils appellent de
« compatriotes ».
Comme il est devenu notre habitude à Uvira, tous les
4 janvier, journée commémorative de martyrs de notre indépendance, de célébrer
une messe pour les agents de l’Etat, les militaires, les policiers, les membres
de différents partis politiques, la Monusco et les autres structures engagées
dans le domaine de la paix, etc., avec vous nous avons voulu prier pour toutes
les victimes de ces dernières années de turbulences politiques causées par le
non respect de la Constitution que nous devons pourtant considérer comme
« Une Parole donnée les uns aux autres dans une Nation pour une
gestion équitable dans la justice et la paix de la chose publique ».
6. Aussi nos
prières s’accompagnent des messages aux différents protagonistes de cette
énième crise qui nous fait passer le temps nécessaire pour le travail du développement
de ce cher et beau pays aux ressources si fabuleuses, don béni de Dieu et
héritage de nos ancêtres :
a/ Au Président de la
République, étant encore à la tête du pays comme premier responsable de la
sécurité du peuple, il doit user de tout son pouvoir pour arrêter de laisser massacrer
le peuple congolais comme cela s’est passé à Kinshasa, le 31 décembre 2017,
sans oublier tous ces autres massacres de 2016, et ceux perpétrés dans le
Kasaï, au Nord et au Sud-Kivu, au Nord-Katanga, etc.
b/ Aux politiciens
Congolais, toute tendance confondue, de faire passer l’intérêt supérieure de la
Nation au-dessus de toute velléité égoïste comme ils nous en font vivre le
spectacle ces derniers temps au point de faire de notre pays la risée du monde.
La risée, la honte dont le symbole aujourd’hui est le corps de notre
compatriote Etienne Tshisekedi wa Mulumba qui bientôt va totaliser une année dans
le froid de la morgue en Belgique sans être rapatrié au pays pour y être
enterré dignement.
c/ Aux soldats et
policiers congolais de comprendre avant tout que chaque fois que le peuple
marche d’une manière pacifique pour réclamer ses droits fondamentaux comme
celui d’aller aux élections pour se choisir des dirigeants qu’ils désirent,
c’est pour eux aussi qu’il manifeste.
Nous avons besoin d’une armée et une police républicaines, et non pas celles engagées au service de quelques individus ou groupes d’individus au pouvoir. Je m’adresse à vous qui êtes là et qui représentez tous les autres : Votre mission première est de défendre la population et non pas les hommes au pouvoir. Même au fort moment de la dictature du Maréchal Mobutu, nous n’avons jamais vu des images comme celles qu’on nous envoie de Kinshasa : des soldats et des policiers qui pénètrent dans des églises pour tuer, violer, voler, etc.
Nous avons entendu certains d’entre vous se défendre, prétendant que ceux qui ont commis ces massacres sont des mercenaires engagés par le pouvoir. Si cela est vrai, posez-vous alors la question de savoir en quoi êtes-vous encore une armée et police nationales quand vous laissez des mercenaires entrer dans votre pays pour tuer, massacrer vos compatriotes et piller vos ressources.
D’autres parmi vous se sont justifiés en
affirmant que les militaires et les policiers congolais avaient été désarmés,
alors posons-nous tous la question de savoir si nous sommes encore dans un pays
indépendant ou sous occupation ?
Nous avons besoin d’une armée et une police républicaines, et non pas celles engagées au service de quelques individus ou groupes d’individus au pouvoir. Je m’adresse à vous qui êtes là et qui représentez tous les autres : Votre mission première est de défendre la population et non pas les hommes au pouvoir. Même au fort moment de la dictature du Maréchal Mobutu, nous n’avons jamais vu des images comme celles qu’on nous envoie de Kinshasa : des soldats et des policiers qui pénètrent dans des églises pour tuer, violer, voler, etc.
Nous avons entendu certains d’entre vous se défendre, prétendant que ceux qui ont commis ces massacres sont des mercenaires engagés par le pouvoir. Si cela est vrai, posez-vous alors la question de savoir en quoi êtes-vous encore une armée et police nationales quand vous laissez des mercenaires entrer dans votre pays pour tuer, massacrer vos compatriotes et piller vos ressources.
d/ A vous tous chers frères
et sœurs dans le Christ, chers compatriotes, l’heure est grave, mais ne perdons
pas le courage de notre foi, de notre espérance et de notre charité. Restons
debout dans la prière et les actions non violentes. Comme nos frères et sœurs
l’ont fait à Kinshasa et ailleurs, dans de telles situations, n’utilisons jamais
les méthodes et les armes de ceux qui nous prennent pour leurs ennemis, alors
que nous sommes tous frères et sœurs ; nos armes doivent demeurer ces
symboles de notre foi, de notre espérance et notre charité, gage de la
paix : prière à la bouche, bible (ou coran), chapelet, croix en mains.
7. Enfin, je
voudrais terminer par répondre à ceux qui, ces derniers temps face à toutes ces
démarches que les évêques font pour réconcilier les politiciens, prétendent que
« Eglise n’est plus au milieu du village
», qu’elle ne prêche plus l’Evangile. Etre une Eglise au milieu du village, prêcher
l’Evangile ne veut pas dire afficher une neutralité béate, complice des injustices,
des antivaleurs, de l’oppression, de la corruption, etc. que subit le peuple, bref
se taire « là où Dieu pleure », parce que les hommes pleurent,
souffrent des injustices, oppressions, persécutions, etc.
Cela veut dire, au contraire, avoir les oreilles, les yeux ouverts et la langue déliée afin d’écouter, de voir pour annoncer la paix, la justice, le bien, la solidarité, la fraternité, le droit, la corruption, etc., et donc avoir les oreilles, les yeux ouverts et la langue déliée afin d’écouter, de voir pour dénoncer, condamner le manque de paix, l’injustice, le mal, la trahison, l’inimitié, le dénie du droit, la corruption, etc. L’Eglise est au milieu du village pour prêcher l’Evangile lorsqu’elle marche avec le peuple qui marche d’une manière pacifique pour revendiquer ses droits les plus fondamentaux.
Cela veut dire, au contraire, avoir les oreilles, les yeux ouverts et la langue déliée afin d’écouter, de voir pour annoncer la paix, la justice, le bien, la solidarité, la fraternité, le droit, la corruption, etc., et donc avoir les oreilles, les yeux ouverts et la langue déliée afin d’écouter, de voir pour dénoncer, condamner le manque de paix, l’injustice, le mal, la trahison, l’inimitié, le dénie du droit, la corruption, etc. L’Eglise est au milieu du village pour prêcher l’Evangile lorsqu’elle marche avec le peuple qui marche d’une manière pacifique pour revendiquer ses droits les plus fondamentaux.
Elle est au milieu du village et
prêche l’Evangile, comme il nous est dit dans ce même Evangile d’aujourd’hui comment Jésus avait répondu à ce
pharisien venu lui suggérer de s’en aller car Hérode voulait le tuer : « Allez,
et dites à ce renard : Voici, je que chasse les démons et je fais de guérisons
aujourd’hui et demain, et le troisième jour, j’aurai fini » (Lc 13, 32). Et
comment interpréter autrement le récit de l’Evangile où il nous est dit que, exaspéré
par ceux qui avaient fait de la maison de son Père une caverne de bandits, un
marché, une maison de trafic, Jésus s’était fait un fouet des cordes pour les
chasser du temple (cf. Jn 2, 13-18).
La sainte colère, ça existe ! « Je
suis venu jeter le feu sur la terre, et comme je voudrais que déjà il fut
allumé » (Lc 12, 49), nous dit Jésus. Le feu brûle, chauffe,
purifie ; le feu transforme. Appel à la conversion des cœurs dont nous
avons tous besoin pour sortir de la crise, de la violence, de la haine, de
l’illégalité, de l’illégitimité. Bonne année à ceux et celles qui ont le cœur à
la fête là où, inconsolable, Rachel (la République), pleure ses enfants (cf. Mt
2, 18).
+
Sébastien-Joseph MUYENGO MULOMBE
Per
viscera misericordiae Dei
Evêque
d’Uvira
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